get me out of here [ERWIN#1]

Elle observe le mur de pierre face à elle, le même depuis des jours. Ici, il n'y a que le silence et les bruits nuisibles qui envahissent ses oreilles. Celui des pas autour de la prison souterraine, celui des armes qui tintent, des clés qui se promènent, des repas balancés à travers la porte. Ses longs cheveux de feu sont complètement emmêlés dans son dos, ses tresses ne se voient presque plus. Ses vêtements ? Des lambeaux qui couvrent encore sa peau par un miracle certain. Sa cape, ses armes, tout lui a été retiré quand elle a été capturée. Elle a réussi d'un certain miracle à jeter la hache de son père avant d'être saisie par les anglo-saxons, et elle espère sincèrement que quelqu'un de son clan l'aura trouvée pour la ramener à Jorvik. Quand elle se libèrera, elle pourra ainsi la récupérer. Poussant un profond soupir mêlé à la fatigue, la jeune femme se laisse choir contre le mur gelé derrière elle, fermant les yeux quelques secondes. Elle est incapable de dormir ici, et ses yeux plus que cernés le montrent bien.

Soudainement, des bruits de pas bien trop proches se font entendre. Celui d'une clé qu'on insère dans sa porte. Rouvrant ses yeux clairs, Astrid se tend en fixant la lourde porte qui s'ouvre lentement sur une silhouette qu'elle reconnaît. Il n'était pas présent au combat, le jour où elle a été capturée, mais il lui apporte parfois son repas comme ce soir. Un garçon un peu plus âgé qu'elle certainement, avec des yeux aussi bleus que les siens. Serrant légèrement les dents, la rouquine se tasse contre le mur, attendant que, comme tous les autres, il dépose simplement le plateau avant de s'en aller. Elle ne décroche pas son regard fier du visage qu'elle distingue dans la pénombre, pourtant elle ne bouge pas d'un poil. Il est hors de question qu'elle se mette en danger plus qu'elle ne l'est déjà, pourtant, elle ne se laissera pas dominer par un parfait inconnu qui ne vient même pas des siens. Déjà qu'elle n'est pas du genre à tomber dans le lit du premier venu. C'est encore une chance, d'ailleurs, qu'ici ils se contentent simplement de la garder enfermée. Ceux de son peuple auraient réservé un sort bien pire aux femmes anglo-saxonnes, non pas qu'elle approuve ce comportement.

Il n'aimait pas aller dans les cachots. S'il avait pu, il aurait évité cet endroit toute sa vie. Les odeurs étaient nauséabondes, la saleté qui régnait dans le lieu le dégoûtait et les gémissements de détresse lui serraient la gorge à tel point qu'il en avait envie de vomir. Et pourtant, il était mandé pour aller amener à manger à une danoise capturée depuis de nombreux jours et qui restait silencieuse et aussi sauvage que le reste de son peuple. Il n'avait aucune envie de la rejoindre, mais il était bien obligé. C'est donc de mauvaise grâce qu'il prit son repas et commença à marcher dans les couloirs sales des geôles. Au bout de quelques secondes, il s'arrêta devant la lourde porte qu'il finit par ouvrir en douceur, intimidé et un peu craintif. Il n'avait jamais combattu, il ne saurait pas se défendre si elle venait à l'attaquer.

Lentement, il s'avança dans la cellule sans quitter des yeux la rouquine - qui ne ressemblait plus vraiment à celle qui s'était faite capturée, bien des jours plus tôt - et déposa son repas devant elle après s'être accroupi. Pour autant, il ne s'éloigna pas et se contenta de la dévisager, les sourcils légèrement froncés.

« C'est le repas. » lui dit-il avant de déplier la lourde cape qu'il tenait sur son bras.

Il lui tendit avec un petit sourire, ayant pensé qu'elle finirait par avoir froid dans l'humidité de la prison.

« Vous devriez vous reposer et manger. Pour le moment, vous ne risquez rien ici vous savez. »

Se laisser dépérir ici n'était pas son idée première, mais plus les nuits passaient, et plus la jeune femme avait l'impression qu'elle ne sortirait jamais de là vivante. Elle était incapable de dormir plus de une a deux heures par nuit, quand tout était calme. Au moindre bruit, elle s'éveillait dans la crainte qu'on vienne la chercher pour la dépecer ou la violer, même si rien de tout ça n'était arrivé pour le moment. Elle était nourrie, et malgré l'endroit nauséabond et humide, elle n'était pas laissée à l'abandon. Mais lorsque sa porte s'ouvrit sur l'un des Anglo-Saxons qu'elle avait déjà vu, Astrid ne put s'empêcher de se coller au mur alors qu'il entrait dans sa geôle. Bien qu'il avait l'air musclé, il ne semblait pas être taillé ou habillé comme l'un des soldats qui l'avait balancée ici. Mais elle était trop fatiguée, pour même penser à courir pour s'enfuir en espérant que personne ne l'attrape sur la route.

Sans se décoller du mur, elle le regarde s'accroupir pour poser le maigre repas. Au moins, ils la nourrissent. Ceux de son peuple l'auraient laissé mourir de faim. La lueur de la lune, traversant la lucarne haute de sa geôle, lui permet de détailler le visage de l'inconnu. Elle regarde ses yeux clairs, ses cheveux un peu emmêlés. C'est un bel homme, qui n'a rien de similaire à ceux qui l'ont jetée ici. Elle l'écoute, prenant le temps de traduire ce qu'il dit. Heureusement que sa sœur s'est arraché les cheveux à lui apprendre l'anglais, même si ce n'est pas sa langue natale. " Pas faim. " Les sourcils froncés, elle le regarde tendre le bras vers elle, reconnaissant sa cape sur ce dernier. Un peu plus tendue, la rouquine n'ose pas la prendre, craignant un piège. Alors, elle se contente de se tasser un peu plus contre la pierre. " Vous me voulez quoi ? " Son accent se fait fortement entendre, alors elle prend le temps de parler doucement, cherchant parfois ses mots.

« Easy, easy. I'll not hurt you. » lui dit-il pour tenter de la rassurer en la voyant se coller au mur, craintive.

D'une part, ce n'était pas son genre de blesser les gens, et de l'autre, il avait réellement envie d'aider cette pauvre captive. Elle lui faisait de la peine ici, bien loin de chez elle et des siens, à espérer qu'on ne lui fasse rien et à dépérir sans manger ou se reposer. Nulle personne ne méritait un tel sort, mais il ne savait pas vraiment comment l'aider réellement, alors il faisait de son mieux, même si cela se résumait à lui amener de la nourriture et une cape pour qu'elle puisse se réchauffer dans la froideur humide de ce cachot miteux.

Il ne prend pas garde au fait qu'elle le dévisage et que ce ne soit pas très poli. Si c'est une chose dont elle a besoin pour se rassurer, qu'elle le fasse. En entendant sa réponse, il se contente d'hausser un sourcil en la dévisageant à son tour, pas convaincu.

« Seriously ? You don't eat, you need to do it. » répondit-il en secouant la tête avant de se pincer les lèvres en la voyant se tendre.

Erwin n'avait pas pensé qu'elle pourrait le prendre comme une menace. Il baissa aussitôt le bras en voyant son regard méfiant et déposa la cape près d'elle avant de reculer un peu. En entendant sa question et son fort accent, il se sentit aussitôt mortifié, ayant complètement oublié qu'elle devait avoir du mal à parler l'anglais, surtout qu'il parlait vite.

« Sorry, I don't speak danish. » s'excusa-t-il en essayant d'être compréhensible et de ne pas aller trop vite. « I... I just want to help you... to... to take care of you, no more. » lui explique-t-il en trouvant sa façon de buter sur les mots et de réfléchir à ce qu'elle va dire adorable.

Il lui sourit à nouveau et finit par s'asseoir en face d'elle pour la dévisager, avant de désigner la cape du menton.

« You can take it, it's for you. It's a gift from me. »

Plaquée contre le mur de pierres glacées derrière elle, frissonnant presque, la jeune femme retient son souffle en écoutant ce qu'il lui dit, prenant le temps de traduire dans sa tête. Il ne lui fera pas de mal ? Comment elle peut en être certaine ? Impossible. Ne détournant pas le regard, elle continue de le fixer avec intensité, le ventre pourtant noué par la rage et la peur. Elle se souvient pourtant qu'il vient souvent, et que jusque là il n'a jamais tenté de lui faire du mal. Pourtant, elle est incapable de lui faire confiance, parce qu'il fait peut-être ça en espérant qu'elle baisse sa garde pour mieux l'attaquer -ou pire, la violer- quand il le pourra. De toute manière, au vue de sa carrure et de sa propre faiblesse, elle serait incapable de résister bien longtemps si il décidait de l'attaquer. Elle jette un regard au plateau qu'il a posé au sol, avant d'aussitôt relever ses yeux d'un bleu glacial vers ceux de l'anglo-saxon. " No hungry I say. "

Les sourcils froncés, elle regarde la cape d'un air méfiant sans oser la prendre. Parce que ça voudrait dire faire un geste vers lui, et peut-être qu'il cache une arme dessous. Quelque chose pour l'attaquer. Elle le regarde déposer la cape, puis reculer. Inspirant longuement, elle regarde un long moment le plateau, puis la cape avant de reporter son attention vers lui quand il s'excuse. Ses sourcils se froncent aussitôt, et elle croise les bras sur sa poitrine avant de secouer la tête en l'entendant, serrant légèrement les dents. " Help ? Get me out. This help. Can't stay. " Elle souffle longuement avant de se laisser glisser au sol, râpant son dos sur les pierres dans une grimace légèrement douloureuse. Ramenant ses genoux contre sa poitrine, elle attrape lentement la cape en la tirant vers elle avant de se couvrir les jambes, sans le quitter du regard. " Gift.. Present ? Why ? Take me out. Please. " Elle n'est pas du genre à supplier, mais elle aurait besoin d'une bouffée d'air frais. Elle dépérit ici.